Au fond d’un tiroir, la mémoire d’un Poilu sommeille...
Archives départementales de l'Indre
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Pour le centenaire de 1914-1918, la Grande Collecte invite le public européen et français à sortir des tiroirs et des malles tous les souvenirs liés à la Grande Guerre. Effort de mémoire collectif sans précédent qui, dans l’Indre, rencontre un succès inespéré.
Lettres, carnets intimes, cartes postales, livrets militaires sont les souvenirs les plus nombreux qui ont été déposés par les Indriens au cours de l’opération La Grande Collecte. Mais aussi des briquets, des stylos, des obus sculptés, objets ingénieusement fabriqués par les Poilus sur le front ou au repos qui montrent qu’il y a souvent sous l’uniforme un forgeron ou un menuisier adroit de ses mains. C’était le cas de Louis Gagnant, de Migné, charron, dont une descendante a livré deux obus sculptés et gravés. Il y a aussi des dépôts plus rares, comme ces plaques stéréoscopiques, un procédé de photographies « en relief », qui ont été réalisées par Aimé Mazin,pharmacien au Blanc, du temps de sa mobilisation. Une soixantaine de vues montrent des scènes de guerre. Tout ce matériel, mais aussi des décorations et des objets personnels comme casques, guêtres, baïonnettes, a été exhumé grâce à ce coup de filet européen lancé à l’occasion du centenaire du déclenchement de la guerre de 14-18.
« C’est un mouvement profond qui est très émouvant », commente Marc du Pouget, directeur des Archivesdépartementales, qui totalise à fin décembre 90 dépôts de particuliers. « Ces objets, surtout les lettres, sont intimes, enchaîne Jérôme Descoux, adjoint de conservation, et les gens nous les confient avec beaucoup d’émotion. Un monsieur, par exemple, m’a apporté une lettre un matin qu’il est venu me reprendre l’après-midi avec les larmes aux yeux. C’était la lettre d’un soldat qui décrivait les derniers instants de son capitaine. Or ce capitaine était son propre grand-père ! »
Constat identique dans les deux autres lieux de collecte du département : Archives municipales de Châteauroux et médiathèque d’Issoudun. « Nous avons recueilli plusieurs correspondances à deux voix, dit Annelise Pradal, agent de conservation au Centre de la Mémoire d’Issoudun. L’une d’elles comporte environ mille lettres échangées par les grands-parents de la déposante, natifs d’Issoudun. On y trouve des informations à la fois sur la vie militaire et sur la vie en Berry. Un autre contributeur, de Reuilly, nous a apporté le croquis, dessiné par un soldat, qui localise l’endroit où son aïeul a été tué dès le mois d’août 14 dans les Vosges. »
Jean-Louis Cirès, archiviste à la mairie de Châteauroux, relève l’engouementdu public pour la collecte : « J’ai senti une vraie prise de conscience sur l’intérêt de préserver ces objets et témoignages afi n de les transmettre à la postérité et j’ai vu des personnes heureuses de pouvoir laisser une trace de la vie de leur ancêtre. » Une déposante de Châteauroux, Simone Thabault-Zaepfel, confirme : « Je possède beaucoup de documentation sur mon père Fernand Zaepfel, caporal au 39e RI, et je n’aurais pas aimé qu’elle se perde. Mon but est de la communiquer. » Avant d’être rendus à leurs propriétaires, les précieux souvenirs sont numérisés, classés et stockés par l’organisme de collecte, puis mis en ligne sur le serveur d’Europeana 1914-1918, qui est une vaste bibliothèque numérique à la disposition de tout internaute. « C’est de la matière brute et libre de droits qui peut être utilisée par les historiens, les chercheurs, les artistes », se réjouit Jérôme Descoux.
La Grande Collecte, initialement prévue du 9 au 16 novembre, a été prolongée dans l’Indre et ailleurs. Elle aura atteint son objectif : drainer vers l’histoire universelle ces milliers de destins individuels, souvent brisés, et les arracher à l’oubli.