Un ancêtre du cadastre de Châteauroux

Claude-Olivier Darré
Mise à jour :
26/1/2017 à 13 h 48
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Archives départementales de l'Indre
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36000 Châteauroux
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26/1/2017 à 13 h 48
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C'est un document fondamental pour la connaissance du Châteauroux ancien que ce « Plan de la ville et faubourgs de Châteauroux contenant le détail des maisons, cours, jardins et emplacements qui composent la dite Ville et Faubourgs d'icelle Capitale du bas-Berry, et chef-lieu d'un Duché appartenant à Monseigneur le comte d'Artois. Levé d'après les ordres de son Administration sur une échelle d'une ligne par toise par Jean-Baptiste Crochet, Arpenteur Juré au Bailliage de cette Ville, en l'année 1783, et vérifié par Mr Bouchet, Chevalier de l'Ordre du Roi et Premier Ingénieur des Turcies et Levées de France le 12 janvier 1784. Donné à MM. les Officiers de Police de Châteauroux par Monsieur de La Madeleine, intendant des finances de Monseigneur le Comte d'Artois ».

C’est l’ancêtre de notre moderne cadastre, mais rédigé pour une personne privée. Il est à l'échelle d'une ligne par toise, c'est à dire au 1,15/1000e (le cadastre napoléonien est au 1/2000e ou 1/2500e). Trois exemplaires presque identiques de ce travail extraordinaire subsistent :

  • l’un aux Archives nationales (NI 1), certifié par l'arpenteur le 1er mai 1784 ;
  • un autre dans les archives municipales de Châteauroux déposées aux archives départementales (DD 16). Au bas du plan est mentionné le visa de Gatien Bouchet, en date du 12 janvier 1784, acte que Crochet certifie lui-même le 1er mai 1786. C'est sans doute à l'occasion de la prise de fonctions de Louis Philipon de La Madelaine, nouvel intendant des finances du comte d'Artois, que Crochet a exécuté une nouvelle copie de l'original qu'il gardait par-devers lui.
  • un troisième est conservé à la Bibliothèque municipale de Châteauroux.

Les deux exemplaires castelroussins ont été restaurés. L’exemplaire des Archives nationales, qui se trouvait dans les titres du duché de Châteauroux, porte les numéros de parcelles.
Crochet a complété son plan par une « Table historique et chronologique sur la Ville de Châteauroux, par extrait de l'Histoire de Berry et autres renseignements sur les principaux évènements et remarques intéressantes à faire depuis 935 époque de sa fondation, jusqu'au 1er avril 1784 ». Retraçant l'histoire de la seigneurie, il commence en 935, date supposée de la construction d'un nouveau château « dans le canton de Rome » (en fait l'archiviste Eugène Hubert a prouvé que le « château de Déols » évoqué dans la charte de fondation de l'abbaye de Déols était sur le site du Château-Raoul).

Il note les faits marquants de son époque :

  • la communauté des capucins « vient d'être supprimée et la Ville se propose d'y établir un Collège ».
  • «... en 1751, il fut établi par ordre du Gouvernement une Manufacture Royale de Draps en l'enclos désigné sur le plan, elle doit être composée de 60 métiers battant, et cet établissement est d'autant plus avantageux qu'il contribue à l'emploi des laines qui font le principal produit du pays et qu'il occupe 12 à 1500 ouvriers, tant dans la Ville qu'aux environs, dont la plupart sans cette manutention ne trouveraient pas de travail pour se procurer leur subsistance ».
  • après 1777, les notables ont formé « un bureau de charité qui fait l'éloge des administrateurs de ce bureau par le zèle qui les anime à secourir les malheureux habitans qui manquent de subsistance, et par l'ordre et l'exactitude qu'ils apportent dans la distribution des charités, à laquelle ils ont donné l'exemple à plusieurs autres villes du Royaume ».
  • Châteauroux est « la patrie de M. Guimon de la Touche, célèbre par son Iphigénie en Tauride et son Epitre à l'Amitié, enlevé aux Muses au printemps de son âge, et des géomètres Crublier Saint-Cyran et Crublier d'Obterre, et encore celle de Jean-Baptiste P[atureau], qui n'est connu que d'un petit nombre d'amis, qui regrettent qu'il ne se livre pas assez à ses goûts et à ses talents pour la littérature et pour la belle poésie ».

L'hommage appuyé rendu, après Guimon de La Touche (mort en 1760), aux frères Crublier, héros de la guerre d'Amérique, et à Jean-Baptiste Patureau du Broutet, notable franc-maçon, ne se trouve que dans notre exemplaire : on peut penser qu'il devait être agréable aux utilisateurs du plan. De même la mention du projet de collège, annoncé en 1784 par la municipalité, mais jamais réalisé, montre qu'il s'agit d'un exemplaire « maison ».

Jean-Baptiste Crochet (1750-1818) n'est pas un inconnu. Il a réalisé un plan de l'abbaye de Déols en 1787 et le plan général d'alignement de la ville entre 1808 et 1813. Son frère fut maire de la ville en 1792. En revanche nous ignorons où se trouve le document original, aussi précieux qu'une matrice l'est pour un cadastre, comportant la liste des habitants sur un cahier de 7 feuillets publié par Eugène Hubert : sans doute aux Archives nationales.
La mise en ligne et la possibilité d'agrandissement doit permettre la consultation de ce plan, indispensable pour l’étude du bâti ancien, qui montre d'où est parti le Châteauroux d'aujourd'hui.

Consulter le plan Crochet ici.

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