Deux histoires du Grand Siècle

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Mise à jour :
11/9/2015 à 15 h 16
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Trois cents ans après la mort de Louis XIV, le « Roi Soleil », dont le règne marque l'apogée du « Grand Siècle », apogée préparée par Henri IV et Louis XIII, que reste-t-il de son oeuvre en dehors de Versailles ? Deux expositions simultanées à Châteauroux présentent le fil de l'histoire du roi et de son peuple, histoire intime au Musée-Hôtel Bertrand, histoire intellectuelle, spirituelle et religieuse aux Archives départementales de l'Indre.
 
Le Grand Siècle en Bas-Berry : « l'esprit du Grand Siècle » aux Archives départementales de l'Indre
Le Roi et son siècle
« Le métier de Roi est grand, noble et délicieux, quand on se sent digne de bien s'acquitter de toutes les choses auxquelles il engage ; mais il n'est pas exempt de peines, de fatigues, d'inquiétudes », dit Louis XIV selon François Bluche, son biographe.
« Sans être savant, Louis XIV écrit bien. Il aime les beaux-arts et les protège ; il se connaît particulièrement en musique, en peinture et en bâtiments », apprécie l'ambassadeur du Grand-Electeur de Brandebourg. Mécène à coup sûr, même si l'artiste doit se garder de heurter les goûts du Maître : « Ôtez de ma vue ces magots », dit-il avec mépris des tableaux de genre familiers des petits-maîtres
hollandais ou flamands. La production intellectuelle est alors soumise à l'académisme, ou « l'étiquette de l'art » et « la maxime de l'ordre », le « grand goût » apparu déjà au temps de Louis XIII et de Richelieu. Pourtant le royal protecteur de Molière et de Lully ne songeait à ses débuts qu'à sa gloire et à ses amours… Ami des arts plus que des hommes de lettres et de science, plus conformiste que dévot, il ne se convertira que sous l'influence du Père de La Chaise, de Bossuet et de Mme de Maintenon, même si ce n'est pour eux que par « peur de l'Enfer ».
Le siècle de l'esprit
Mais le XVIIe siècle est aussi celui de la science et de ses progrès. De Galilée à Newton, de Pascal et Fermat à Leibniz, il faut alors concilier les faits de l'expérience et les données de la Révélation, de la Providence et de la Bible. En fin de siècle, le cartésianisme tente de s'imposer, mais « le vieux roi isolé, débordé, n'arbitrait plus », constate l'historien Hubert Méthivier. C'est avant 1690 que sa gloire avait été chantée en vers et en prose, frappée en médailles, tissée en tapisseries… La fin du règne, marquée par des revers et des famines, n'est pas non plus sans grandeur mélancolique.
La langue française progresse avec Furetière, le droit avec le Code Louis et une pléiade de juristes, l'histoire avec Catherinot et La Thaumassière, la géographie avec cartographes et arpenteurs, et même la médecine raillée par Molière ! Le Berry est marqué par un approfondissement religieux visible par la puissance et l'influence du clergé, des confréries, ainsi que par un art religieux
puissant.
On y retrouve aussi deux grands courants religieux chrétiens du XVIIe siècle : le jansénisme et le calvinisme, deux hérésies aux yeux de l’Église et du Roi persécutées avec acharnement.
Le jansénisme trouve un refuge en Brenne, grâce à Duverger de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, à qui succède son neveu Martin de Barcos : l'abbaye accueille des théologiens comme Antoine Arnauld, défendu par Pascal. Portraits (notamment celui d'Arnauld attribué à Philippe de Champaigne acheté par le musée au château de Valençay en 1899) et oeuvres du temps permettent une évocation concrète.
Quant à la « Religion Prétendue Réformée », après les limitations apportées par Louis XIII, de nouvelles persécutions apparaissent et l’Édit de Fontainebleau d'octobre 1685 ne laisse qu'une liberté de conscience toute théorique. En Bas-Berry où les protestants forment une petite communauté de notables, dès 1685 les abjurations sont nombreuses sur les registres paroissiaux. D'autres « nouveaux convertis » sont reconnus relaps au moment de mourir. Enfin certains émigrent vers la Hollande.
Gravures, ouvrages et documents d'archives originaux révèlent « l'esprit du Grand Siècle en Bas-Berry » et contribuent à la connaissance de cette période classique, pompeuse et éclatante, mais aussi dramatique, humaine, attachante.
Commissariat Jérôme Descoux
 
Exposition ouverte du 19 septembre au 31 décembre 2015 du lundi au vendredi de 8h30 à 12h30 et de 13h30 à 17h00 sauf le mardi.
Entrée gratuite.
Ouverture exceptionnelle les 19 et 20 septembre 2015 de 14h à 18h à l'occasion des Journées Européennes du Patrimoine
Direction des Archives départementales de l’Indre
1 rue Jeanne d’Arc – 36000 Châteauroux
Contact 02.54.27.30.42  archives.indre@indre.fr
 
Dans l’intimité du Grand Siècle (1610-1715) au Musée-Hôtel Bertrand
On a souvent tendance à confondre les fastes du Grand Siècle avec les fastes de Louis XIV et de Versailles...
"S’il est vrai que le roi, ses artistes et artisans de génie donnent le ton, leurs productions sont surtout destinées à éblouir les cours d’Europe et les ambassadeurs du monde. Rares sont les demeures parisiennes ou de province à pouvoir rivaliser avec un tel luxe... d’autant que la chute fracassante de Fouquet, qui s’est rêvé l’égal du roi, voire son maître, a profondément marqué les esprits.
Toutefois, il est indéniable que le confort des maisons particulières, des nobles ou de la haute bourgeoise, des citadins aussi change. Sous l’influence des efforts de pacification civile et religieuse d’Henri IV, la bourgeoisie, souvent calviniste, ne se cache plus. Louis XIII et Richelieu préparent les formes nouvelles d’un pouvoir que Louis XIV met en place après les soubresauts de la Fronde. C’est un “Grand Siècle” qui se dessine, de conquêtes, de gloire qui place la France au premier rang.
Les intérieurs deviennent plus cossus, les répartitions des pièces et leurs destinations changent suivant le modèle de l’Hôtel particulier parisien. Sous l’influence de la capitale et de la cour qui tissent de nombreux et étroits liens avec la province, tout ce qui est nouveauté de bon ton devient “à la française”. Tout est mesure, austérité élégante, harmonie et le maître mot devient
“symétrie”. Il suffit de lire Mme de Sévigné, Ménage, Molière pour entrer dans cette intimité feutrée où l’enrichissement général du royaume se laisse voir sans fausse pudeur.
Et c’est à travers l’aménagement de petits cabinets que les Musées de Châteauroux feront découvrir leurs collections consacrées au Grand Siècle."
Jean-Yves Patte
 
Quelques points forts :
Ensemble de peintures du XVIIe s. :
- Portrait de Louis XIV par Hyacinthe Rigaud et portraits des membres de la famille royale (Coll. du Musée et Coll. part.)
- Portrait de Dames de la Cour, dont Mme de Sévigné d’après Mignard, le Duc de Lauzun… (Coll. du Musée)
- Peinture Hollandaise –collections présentées dans le Musée et dans le cadre de l’exposition dont une “Nature morte aux fleurs” attribuable à Clara Peeters– récemment restaurée (Coll. du Musée)
- Grande peinture religieuse (à mettre en lien avec l’exposition des Archives départementales de l’Indre) dont un Portrait en pied du “Grand” Antoine Arnauld, théologien janvéniste, d’après Philippe de Champaigne
Ensemble de mobilier et objets décoratifs (Coll. du Musée et Coll. Part) qui permettent de reconstituer un “appartement” classique composé d’une antichambre, d’une chambre –ornée de boiseries et de peintures– et d’un cabinet où trône une de ces fameux cabinets d’ébène sans lequel un décors “noble” ne saurait se concevoir !
Art de la table, gastronomie, médecine, sont évoqués donnant ainsi un relief singulier au "charme discret" du Grand Siècle, loin des fureurs tapageuses des modes de la Cour !
Commissariat Jean-Yves Patte, historien d’Art
 
Exposition ouverte du 19 septembre au 31 décembre 2015 (sauf les lundis) 10h-12h et 14h-18h
1er octobre-31 décembre : 14h-18h
Entrée gratuite.
MUSÉE-HÔTEL Bertrand
2, rue Descente des Cordeliers – 36000 Châteauroux
Contact : 02 54 61 12 30 musees@ville-chateauroux.fr
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